« La mode n’est pas quelque chose qui existe uniquement dans les vêtements. La mode est dans l’air, portée par le vent. On la devine. La mode est dans le ciel, dans la rue.”, annonçait déjà Coco Chanel, la grande prêtresse de la haute couture française. La mode, en effet se voit et se lit partout. Après s’être dévoilée sur les podiums, après s’être affichée sur les murs de nos villes, la mode s’expose dans les vitrines. Depuis les boutiques très privées de l’avenue Montaigne jusqu’à la grande messe des Champs Elysées, depuis les rues éclairées de Mayfair jusqu’à Tokyo. La vitrine en ce sens est une véritable “médiation entre la rue et la boutique, entre extérieur et intérieur, entre privé et public mais aussi et surtout, médiation entre offre et demande”, explique Ana Claudia Alves de Oliveira dans son ouvrage “Vêtement, corps et mode.” Selon l’universitaire, la vitrine est ce lien entre la vision extérieure et intérieure, elle n’est pas seulement une composition factice mais renvoie à une véritable profondeur : à un sens. L’espace de vente, quel qu’il soit, est donc une véritable passerelle entre marques et consommateurs. C’est un dialogue qui débute à l’extérieur, puis se noue à l’intérieur. Quels sont alors les clefs pour dresser un visual merchandising réussi ? Réponse avec notre expert, Karim Bouhajeb, qui depuis vingt-sept ans délivre son expertise stratégique et opérationnelle au service des marques à forte valeur ajoutée telles que Lee Cooper, Levi’s, Lytess-L’Oréal, Quiksilver ou encore l’école de design Esmod.

karim-1

Le visual merchandising désigne l’organisation visuelle des zones de vente d’un espace – boutique, concept-store, galerie – en vue d’optimiser la présentation des produits, le bien-être et la satisfaction des clients. À la croisée des professions et des univers, le visual merchandiser doit faire preuve d’une véritable fibre artistique afin de présenter le produit sous son meilleur jour tout en tenant compte de l’air du temps et des attentes et besoins s du client. Il intègre donc des exigences à la fois artistiques, culturelles, marketing ou économiques et répond à un seul impératif final : satisfaire le client roi dans un objectif d’achat. Souvent exercée par des stylistes, designers ou des professionnels en marketing, le visual merchandising est donc au coeur de la relation marque – consommateur. 

 

Le merchandising répond ainsi à 4 axes principaux : la communication, l’organisation de l’offre, la gestion de la rentabilité et l’acte de séduction pour un meilleur confort d’achat. Il faut placer aux yeux du consommateur le bon produit, au bon endroit, en bonne quantité, avec le bon service, avec la bonne communication et surtout au bon moment, afin d’augmenter le panier d’achat. Lorsqu’un client entre ainsi dans une boutique, son oeil, tout de suite, s’intéresse aux détails : aux couleurs, à la disposition des objets, aux tenues des vendeurs… Dans le visual merchandising, tout doit donc être pensé en amont. Il faut créer un parcours d’achat, de l’entrée à la caisse, en prenant en compte, par exemple, que les clients, en entrant dans une boutique, vont majoritairement se diriger vers la droite. “Le diable se cache dans les détails” a-t-on coutume de dire. Ici, le diable s’habille en Prada.. Chaque petit détail qui le rebute peut entraîner le consommateur à quitter un point de vente. Les niveaux de présentation, les points d’impact dans les magasins, le sizing, l’anticipation des saisons et la clarté de l’assortiment des produits sont autant de points cruciaux qu’il faut prendre en compte pour parvenir à un visual merchandising réussi.

 

La première impression est ainsi capitale. La propreté, l’éclairage, la température et l’implantation du produit sont cruciaux. Le premier credo “less is more” prône une signalétique claire et simple afin de séduire le client d’emblée. Le second, “time is money”, indique comme son nom le suggère, que chaque minute est comptée. Le temps, c’est de l’argent. Dès lors, l’impact visuel provoque la décision d’achat. Les vingt premières secondes dans un magasin sont essentielles : elles intègrent le repérage des 3 points d’impact (au fond, à droite et à gauche), le message de bienvenue de la part des équipes des vente, l’ambiance générale du magasin. Puis en une minute le consommateur repère et essaie  le  produit désiré pour décider finalement, durant les vingt secondes restantes, s’il va jusqu’à l’acte d’achat. Le passage en caisse et le “farewell message” prononcé par les équipes de vente peuvent donc être décisifs pour un prochain achat.

karim-2

Dans les espaces de vente, “le client roi” est au centre de toutes les attentes de la marque, poursuit Karim Bouhajeb. L’expérience shopping est centrale, il faut raconter une histoire au client, depuis la vitrine jusqu’aux cabines d’essayage, pour rendre un message plus sensible faisant appel parfois à l’émotion ou au souvenir. Et toujours au désir. La vitrine, en ce sens, est la première médiation  entre le client la boutique et doit s’inspirer de l’actualité et des tendances du moment. Créer un message clair, donner envie au client de porter cette tenue, de se montrer dedans. Chaque vêtement est aussi une symbolique sociale et témoigne d’une volonté d’être vu sous son meilleur jour et de se démarquer. La règle du triangle d’or consiste alors à dire que le regard du client est tout d’abord attiré au centre de la vitrine, puis à droite, puis à gauche. Comme en magasin. Le point majeur serait donc à 1m70, on l’appelle le point focal. La vitrine se travaille donc en hauteur, mais aussi en profondeur. Généralement, les vitrines de la fast fashion sont trop basiques : en général, il n’y a qu’un mannequin, un display produit et un poster. Il faut bien disposer les mannequins pour que le client puisse s’identifier et se projeter dans la scène. 

 

Les couleurs ont aussi leur importance. Si les couleurs égaient un lieu, elles ne doivent pas être trop bariolées et souvent il est conseillé de ne pas utiliser plus de trois couleurs majeures : c’est la règle du RVB (Rouge-Vert-Bleu). Privilégier les couleurs froides pour donner une impression d’espace. L’accessoire, également, est au centre de la composition, afin de que le client s’identifie aux personnages. L’ambiance et le volume sont majeurs dans la vision qu’un client a d’une boutique et d’une marque. Le “zoning” est également important puisque l’on distingue les achats d’impulsion, de routine (au fond de magasin) ou encore les achats à décision limitée (comme un costume qui est à exposer en priorité à droite sur un mural). Les achats à prise de décision plus approfondie, donc plus onéreux, doivent être placés quant à eux, au milieu de la boutique, si possible sous une vitrine en verre. 

 

L’organisation, l’analyse, la planification et le zoning de l’espace sont donc autant de points à prendre en considération pour parvenir à un visual merchandising optimal. Chaque vitrine, chaque boutique, chaque magasin se présentent comme une scène où le client s’apprête à jouer un rôle. Chaque espace, chaque objet, chaque vêtement et accessoire racontent donc une histoire qui prend vie sous nos yeux. Et comme toute histoire, elle peut se révéler bonne ou mauvaise et conclure bien souvent sur un “happy end”.